Découverte de lectures osées

Chloé est fouineuse ! Elle aime fouiller la chambre de sa grande cousine Estelle. Heureusement, cette dernière n’a rien contre. Elle détient pourtant des romans érotiques… – Extrait de ma saga littéraire En attendant d’être grande.

 

Je n’ai pas osé l’emmener. Par chance, je revins peu après, qui plus est avec Clarisse. Estelle nous donna quartier libre dans sa chambre pendant sa réunion scout. Ma copine était aussi excitée que moi. Les chapitres deux et trois furent barbants, trop de sentimentalisme. On dénicha un autre roman rose, une maman au foyer s’apercevant de l’infidélité de son mari après vingt ans de mariage. Voyant qu’elle avait tout donné pour un vaurien, elle pétait un fusible et se mettait, après un divorce express, à se cogner tous les petits jeunes croisés sur sa route.

Là c’était plus rigolo, bourrés de mots cochons,

et je dus souvent m’arrêter tant on en riait.

Une demi-heure plus tard, après la cent vingtième fois que je lisais le mot « verge », « bite » ou « langue », après toutes les conjugaisons possibles du verbe « gémir », « jouir » et « bander », nous étions franchement lassées. Ce genre de lecture donne beaucoup dans la répétition. Les histoires, trames et actes se ressemblent. Lire un livre érotique était pourtant le fantasme de beaucoup d’enfants… Beaucoup d’interdits (pas tous !) déçoivent dès qu’on les vit.

Les livres précieux de mémé restaient incompréhensibles. Unir nos savoirs ne suffisait pas à comprendre la moitié des termes ! Les organes étaient toujours cités différemment, je ne pensais pas qu’il puisse y avoir autant de synonymes. Les actes tardaient à venir, et quand c’était le cas on n’était jamais certaines du déroulé tant c’était imagé, à la limite du poétique. Quand « Jean-Philippe pressentit que son aimée allait lui offrir un écrin humide d’une pureté d’albâtre »… c’est quoi le projet au juste ?

Nous n’avions pas besoin de plus. Curieux, j’aurais juré que toute l’après-midi ne suffirait pas, et en fait après une heure maxi les livres étaient tous sagement rangés. Estelle s’y attendait.

– Pour apprécier vraiment ce type de récits, il faut se créer un moment magique, être dans une situation particulière. Les mots prennent alors un autre sens.

– Quel autre sens ? Un mot salace a qu’un seul sens. Non ?

– Oui. Enfin oui et non. Il se lit pas pareil selon le contexte. Si on est seule ou non. Avec qui on se trouve… Puis surtout, que ça fasse référence à des trucs qu’on a un peu vécus. En partie. Ou au moins

des situations sur lesquelles on a fantasmé.

Ces histoires entrent pas trop dans vos fantasmes, non ?

– Pas trop.

– Je confirme, ajouta Clarisse.

– Ou alors faut être en mode pulsion. La biologie te travaille, ça te démange, tu te jettes sur le bouquin, tu dévores les pages, t’adores… Et puis tu te calmes, et seulement après tu te rends compte que le bouquin est nul.

On rit toutes les trois. Rire un peu forcé pour Clarisse qui n’avait pas tout compris. Moi, après l’expérience lessive, je comprenais parfaitement ce qu’Estelle nous racontait.

N’empêche ! Les mots cochons et mises en scène scabreuses, si mal fichues soient-elles, ont quelque chose de magique. Aussi déçue avais-je été par ces lectures, elles m’avaient mises le feu au cul. Je ne pouvais plus en rester là. Sandrine, Carl, l’épisode de la lessive, les bouquins d’Estelle, tout ceci me laissait trop sur ma faim. Il me fallait un plat bien plus concret à me mettre sous la dent, enfin sans y mettre les dents. Du tactile, pas que de l’imaginaire.

Ejectons la littérature et la fiction !

Il me fallait tâter, toucher, palper.

Le soir même, je me retournai dans mon lit en me creusant la tête. Que faire donc… l’amour ? Je manquais évidemment d’occasions pour cela. D’ailleurs serait-ce souhaitable… Il me fallait autre chose, oui mais quoi, oui mais qui ? N’importe qui, n’importe quoi. Non, pas Clarisse. Ni une autre copine. Avec une fille ç’avait été chouette, je n’en souhaitais pas une autre pour autant, en tout cas pas dans l’immédiat. C’est d’un homme dont j’avais besoin.

Enfin, un homme… un simple garçon ferait l’affaire. Au collège, rien à croquer. A la maison, toucher Carl pendant son sommeil restait jouable, par contre en cas d’échec ce serait la fin du monde. Surtout qu’à cette heure-ci, son membre était peut-être plus ou moins quelque part dans maman. Ou bien dans son sommeil il me prendrait pour elle et tout virerait à l’irréparable catastrophe. Non vraiment, je n’avais rien à faire dans leur chambre.

Tu l’auras deviné, il ne restait que Léopold. Après tout, il devait être fait comme tous les mâles. Côté sommeil, il tenait de son père : un sommeil bien lourd comme il faut, leur unique caractéristique commune. C’était décidé : cette nuit, le fiston serait mon objet d’étude.

M’aventurer hors de ma chambre n’était pas joué d’avance. Ces temps-ci, maman était nerveuse et punissait pas mal. Il lui arrivait même encore de gifler. Comme elle ne pouvait se le permettre avec Léopold malgré sa tête à claques, elle se rattrapait sur moi. Mais… comme toujours,

une seule expérience sensuelle valait cent punitions

et mille gifles.

J’enfilai un tissu opaque qui jouerait en ma faveur en cas de capture, des chaussons épais pour atténuer le bruit des pas, m’attachai les cheveux pour ne pas qu’une mèche s’accroche… Et voici une ninja en vadrouille. Ninja de onze ans en pyjama, ninja tout de même.

Chaque mètre était étudié. Descente des escaliers en pointes de danseuse, respiration lente, ramper, me coller contre le mur… j’en faisais trop. Me voici presque à la chambre de ma vilaine victime. Je retins mon souffle en passant devant celle de maman et Carl, crus entendre du bruit, comme si Carl chuchotait des insultes, je n’étais pas certaine. Il aurait été imprudent de me pencher sur la question, et puis je n’étais pas là pour ça. Cela prouvait mon intuition : le membre de Carl n’était pas disponible. Celui de son fils, par contre, l’était à coup sûr.

Arrivée à l’endroit convoité, je tournai la poignée, commençai à ouvrir… pour m’arrêter tout net. La porte grinçait horriblement ! Je n’y avais pas songé. Je restais un long moment plantée comme une cruche, sans savoir quoi faire. Soudain, j’entendis maman émettre une sorte de son, un cri peut-être, assez long, qui me fit sursauter. J’eus alors un réflexe dont je me féliciterai toute ma vie, du moins toute la journée du lendemain : je poussai à fond, ça grinça sec, le son fut couvert par maman et je pus entrer. Le tout en deux ou trois secondes à peine.

Quelle championne j’étais ! S’était-elle réveillée en sursaut après un cauchemar ? Ah non, je me souvenais… comme le disait Estelle

c’est ce qui marque la fin du sexe.

Moi je n’en étais même pas au début…

parfait, à mon tour donc. Refermer la porte était impossible, et je n’allais pas attendre un hypothétique second mauvais rêve ou second mauvais coup.

Je n’avais pas tant ouvert que cela, juste assez pour y passer mon petit corps fin. Assez tout de même pour être vue. Tant qu’à prendre un risque… c’est curieux comme l’excitation est proportionnelle au danger, j’étais de plus en plus chaude. Eh oui, c’est donc bien cela il faut un contexte. Quand il y a contexte, peu importe qu’on ait affaire à un boutonneux écervelé ou un apollon cultivé, l’émoi sera toujours au rendez-vous.


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