Aimer séduire, quoi de plus naturel

Les histoires sombres peuvent être aussi excitantes. Celle-ci est aussi sensuelle que noire, et je dirais même plus : ces deux ingrédients sont totalement imbriqués l’un dans l’autre. Découvrons les toutes premières pages, qui s’ouvrent sur un mystère…

 

Paris est un fantasme pour beaucoup, un rêve pour certains, un cauchemar pour d’autres. Pour peu que le destin vous ait confié telles ou telles cartes, la ville peut être à vos pieds ou au contraire vous engloutir comme un ogre, ne faire qu’une bouchée de vous. Les âmes errantes sont alors avalées toutes crues et disparaissent parfois à jamais. D’autres y trouvent paillettes, fête, boisson et sexe facile. Evidemment, le destin n’est pas tout. Un chômeur peut devenir entrepreneur à succès, un étudiant sans le sou peut être nommé cadre ou P . D . G. … même les S . D . F. ont le droit de gagner au loto, ou peuvent s’en sortir par la force de leur foi. Les belles histoires de gens passés du trottoir au duplex restent rares. Le plus souvent, elles relèvent de la fable. On en contera une dans un livre, ou un film de Noël.

Dans le monde réel, le sans-abri reste sans ticket gagnant, le fils d’ouvrier reste ouvrier, et celui né avec une cuillère d’argent dans la bouche la découvre sertie de diamants. Les contrastes sont frappants dans les grandes villes, surtout les capitales… que ce soit celle de France ou de notre pays.

On voit des jolies filles bien sapées passant devant un miséreux

n’ayant qu’une bouteille pour unique compagnie…

Des employés prenant un verre après le bureau à côté d’un pilier de bar seul au monde… Un couple amoureux se baladant près d’un célibataire endurci…

Au fond, ce n’est la faute de personne. Ou alors de tout le monde. C’est la vie, cela souligne juste une certaine cruauté de la société dans laquelle nous sommes. Nous étions donc à Paris, et je commençais à en saisir tous les paradoxes… Paris ville du sexe libre, tout en étant celle de la misère sexuelle. Cité de l’extrême richesse comme des pires pauvretés. Ce n’était pas ce qu’il y avait de plus dépaysant comparé à l’endroit d’où nous venions.

Nous concernant, ma sœur et moi, nous avons eu affaire à un destin plus particulier. Un berceau en soie, une enfance en or, puis… une suite de drames, dont un surtout qui nous chamboula à jamais et dont je vais vous conter l’histoire. Un drame au paroxysme de l’image de la ville, car paradoxal. Sur le principe, un véritable conte d’épouvante. Un fait divers sordide… en réalité, une mésaventure cent fois plus complexe, et surtout mille fois plus ambiguë. Le livrer en détail sans la moindre pudeur me permettra de m’en libérer, et peut-être m’en retirer cette honte et culpabilité que je ressens encore parfois.

 

Tant qu’à parler de destin, nous avons été portées Vera et moi, très longtemps, par les éléments extérieurs. Une foule d’évènements sont survenus depuis notre naissance qui nous ont entraînées, in fine, jusqu’à Paris. La capitale est devenue notre « patrie » sur le tard. Sur les papiers officiels, nous débarquons de notre province natale. En réalité… notre réalité, presque personne ne la connaît. Et il faut que cela demeure : même le dire à nos meilleurs amis serait risqué.

Papa nous l’a appris :

« En ce genre de cas, il ne faut

faire confiance à personne… Encore moins à un petit copain. ».

Que c’est frustrant : en France bien des gens adorent la Nelsinsky, ce petit pays russophone si fascinant et plein de charme. Nous devrions être fières de pouvoir dire que nous venons d’une telle contrée. Cela nous aurait donné un fort capital sympathie, dès le premier jour. Or, nous devons le cacher à tous : camarades de classe, copains-copines, professeurs, connaissances, amoureux. A tous et à tout le monde.

 

(…)

 

Après quelques semaines, la situation devint enfin plus apaisée. Papa fut mis en contact avec un P . D . G. de société parisienne qui l’engagea en tant que conseiller, ce qui lui assura un bon salaire. Un travail ni vraiment au noir ni tout à fait déclaré, mais avec une personne de confiance. Maman continua d’organiser tout ce qui était bon pour nous, dans l’objectif, notamment, d’être en situation régulière au plus tôt. On put être scolarisé grâce à un bon piston dans l’administration, Vera au lycée général, moi en école de commerce. Quant à nos identités, nous pouvions garder nos prénoms, seul le nom de famille fut changé : de Gratchiov, nous passions à Fleuret. C’était un moindre mal.

Nos physiques et notre accent nous trahissaient : tout montrait que nous venions de l’est, et le nier aurait semblé suspect. Nous n’avions donc plus que des « origines » russes, ayant de la famille là-bas avec qui nous parlions souvent, d’où ces petits accents qui nous étaient restés. Les français connaissent mal les pays étrangers : un togolais peut s’affirmer camerounais ou tunisien, un polonais peut se dire tchèque ou ukrainien, cela passera comme une lettre à la poste. Effectivement, cela fut accepté sans le moindre soupçon apparent.

 

Nos parents s’attendaient-ils à cela depuis notre naissance ? On était en droit de se le demander… car notre apprentissage du français remontait à la maternelle. Et avec professeur particulier deux fois par semaine encore bien. Cela ne faisait pas tout à fait de nous des bilingues. Pas loin non plus… Notre français était très posé et littéraire, trop sans doute. On ne mâchouillait pas les mots, ni n’utilisions d’argot ou de langage « jeune ».

Je craignais que cela ne soit handicapant, ce fut tout le contraire : l’exotisme attire. On nous apprenait des mots, des coutumes, on nous faisait découvrir de nouveaux endroits… Les garçons de ma session se seraient presque battus pour cela. J’étais demandeuse, et pas regardante. Toute personne souhaitant m’approcher le pouvait,

j’acceptais une sortie avec plus ou moins n’importe qui.

Grande observatrice, j’en apprenais chaque jour un peu plus sur la vie dans la capitale.

En famille comme dans l’intimité, on imposa le français : il était indispensable que cette langue devienne naturelle. Mais nos apparences étaient décidément trop estampillées pays de l’est… il nous fallait devenir passe-partout. Je renouvelai ma garde-robe et celle de Vera. En un clin d’œil nous étions d’authentiques parisiennes, minettes parmi les minettes, fondues dans la masse de toutes les belles filles de la ville lumière. Evidemment, « fondues dans la masse » à nos âges où l’on cherche à s’en distinguer n’était pas tant pour nous plaire. C’était un moindre mal.

Et puis, vu le nombre de beaux garçons nous regardant, il n’y avait vraiment pas de quoi s’en faire. Vera, très timide et discrète, s’aperçut que la petite robe moulante que je lui avais offerte faisait grand effet. Les passants ne la regardaient pas que dans les yeux… en premier lieu, elle fut très gênée et refusa de la porter. Je l’incitai à la mettre et à m’accompagner dans mes balades.

Bien vite, les œillades l’amusèrent… bien vite elle en joua.

C’était normal, toute fille aime attirer et il était temps qu’elle entre elle aussi dans cette phase. Après tout nous étions dans la ville idéale pour cela, ce qui nous permettait de faire contre mauvaise fortune bon cœur.

 

A l’origine, prendre soin de soi n’était pas une prédisposition chez ma petite sœur. Celle-ci avait tendance, avec sa vision encore un peu enfantine, à ne pas avoir conscience de ses charmes. Je dus lui faire remarquer de nombreuses fois les disgrâces des autres corps et visages pour lui faire réaliser que des physiques comme les nôtres étaient une chance, un atout dans la vie.

Les seuls moments où Vera n’était pas pudique c’est lorsque nous étions seules,

dans la chambre ou la salle de bain, à l’abri des regards.

Elle pouvait alors se changer, se doucher, voir dormir nue s’il faisait chaud. Ce fut par ce chemin que j’abordais le sujet : « Vera, prends plus de temps pour observer ton corps ! Admire-le. Regarde tes formes, prends plaisir à les voir. Tu comprendras mieux pourquoi les garçons louchent sur ton derrière, tes jambes et tes seins. Te rhabille pas tout de suite quand tu sors de la baignoire, reste un peu comme ça ».

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